« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Toujours les lectures de Léa et leurs orientations qui prêtent à interprétations

« Le propriétaire m’a donné congé.
Il paraît que les locataires se sont plaints de ce que je ne travaillais pas. Pourtant, je vivais bien sagement. Je descendais doucement l’escalier. Mon amabilité était très grande. Quand la vieille dame du troisième portait un filet trop lourd, je l’aidais à le monter. Je frottais mes pieds sur les trois tapis qui se succèdent avant l’escalier. J’observais le règlement de la maison affiché près de la loge. Je ne crachais pas sur les marches comme le faisait M. Lecoin. Le soir, quand je rentrais, je ne jetais pas les allumettes avec lesquelles je l’étais éclairé. Et je payais mon loyer, oui je le payais. Il est vrai que je n’avais jamais donné le denier à Dieu à la concierge, mais, tout de même, je ne la dérangeais pas beaucoup. Seulement une ou deux fois par semaine, je rentrais après dix heures. Ce n’est rien pour une concierge de tirer le cordon. Cela se fait machinalement, en dormant.
J’habitais au sixième, loin des appartements. Je ne chantais pas, je ne riais pas, par délicatesse, parce que je ne travaillais pas. »
Léa garde cette lecture pour elle. Léa lit Mes amis d’Emmanuel Bove. Elle ne voudrait pas que Maurice croie qu’elle revient encore sur cette affaire de loyer, qu’elle enfonce le clou par une sorte de malignité comme si ses lectures n’avaient d’autre dessein que d’étayer un acte d’accusation. Néanmoins il lui semble que Maurice l’a entendue.
Maurice ne s’inquiète pourtant pas. Il ne ressemble pas au personnage d’Emmanuel Bove ; il travaille — et puis il y a Léa.