« Une ligne entraîne l’autre, toujours… je dessine quelque chose qui me donne subitement l’idée de dessiner quelque chose d’autre qui me donne aussitôt l’envie de dessiner, etc. Voyez-vous, je dessine, puis je réfléchis. Pour moi, c’est une activité littéraire, morale. »
Saul Steinberg

11.3.11

Il manquait aussi une scène de lit

Léa ne lit pas au lit. Sans doute Léa, si soucieuse de poésie, prend-elle en grippe les allitérations faciles même si, signées de Boby Lapointe ou de Charles Trenet, amusée, elle se laisse entraîner étourdie sur la pointe des pieds. Au lit Léa dort, elle dort aux côtés de Maurice qui ne dort pas. Maurice lit.
Ce soir, Léa ne dort pas, elle imagine Maurice corrigeant Alain. Ce soir, Maurice dort, épuisé par cette histoire biblique, ou peu s’en faut.
Léa regarde Maurice. À première vue le sommeil de Maurice lui apparaît serein mais Léa ne connaît pas le sommeil de Maurice, puisque en temps ordinaire Maurice lit alors que Léa dort. Cependant son absence l’inquiète. Léa s’inquiète de savoir si Maurice n’a pas quitté le temps présent, elle ne se risque pas à le toucher de peur qu’il ne soit ailleurs, peut-être même propulsé jusqu’aux temps bibliques, ou peu s’en faut.
Maurice est parcouru de soubresauts. Léa est rassuré, Maurice est bien là, avec elle, même heure, même adresse.
Maurice saisit le livre posé près du réveille-matin, autrement dit son livre de chevet. Léa s’endort sur-le-champ.
Le livre que Maurice lit est le même depuis longtemps, depuis toujours pour Léa en tout cas, aussi n’a-t-il pas besoin de trop ouvrir les yeux pour le lire, ainsi ne gêne-t-il pas le sommeil de Léa.